Violon reconstitué

Le violon de Płock provenant du Musée ethnographique national est une reconstitution d’un instrument du 16e siècle, réalisée à partir de découvertes archéologiques datant de 1985. Outre l’instrument lui-même, la technique de jeu de cet instrument à cordes a également été reconstituée. On en jouait en le tenant verticalement, appuyé sur le genou. C’est à la professeure Maria Pomianowska que l’on doit cette redécouverte. Elle a adapté les techniques de jeu existant dans de nombreux endroits du globe (en Grèce, en Turquie, en Inde) utilisant les ongles pour les appliquer au violon de Płock. Cet instrument témoigne également du fait que la musique traditionnelle et ses instruments subissent eux aussi l’épreuve du temps et n'y survivent parfois pas. La reconstitution d'un instrument est comme un voyage dans le temps, n’en déplaise aux physiciens, qui sont incapables d'y parvenir. La reconstitution perturbe toutes les dimensions temporelles : le passé, le présent et le futur. En ce qui concerne le passé, nous n’en sommes pas sûrs. Elle déstabilise en tout cas le présent en introduisant de la « nouveauté ancienne », et elle semble ne pas avoir d’avenir en raison de l’interruption dans son existence. Le violon de Płock est porteur d’un récit sur la musique traditionnelle, à laquelle, en fonction de l’approche adoptée, on peut attribuer un caractère conservateur – en ce sens qu'elle suit de manière stricte les tendances actuelles en matière d’interprétation et de compréhension de la musique, un caractère progressiste – qui accepte les changements, et un caractère ouvert – qui permet tout.

La découverte de ce violon de Płock a une dimension locale. Les recherches portant sur les instruments à cordes joués posés sur les genoux ont quant à elles une dimension bien plus large, à l’échelle de la Pologne, si l'on prend en considération les instruments utilisant des solutions techniques similaires. Les sukas à large touche (la partie de l’instrument où l'on appuie sur les cordes) ont une constitution proche de celle de ce violon. En revanche, du point du vue de la technique de jeu, on peut trouver des analogies avec des instruments des Balkans : la gadoulka, la lijerica, mais aussi avec le kamanche turc ou le sarangi indien.

Outre son aspect de tradition, le folklore musical a été le centre d’intérêt des premiers chercheurs et férus d’ethnologie. En Pologne, cette fascination était empreinte d’idéaux romantiques, régionaux et fédérateurs autour d’une identité nationale. Dans l'idée de compléter le «chant du peuple polonais», les instruments de musique ont fait l’objet de nombreuses collections. C’est également dans cet esprit qu’est née la collection d’instruments du musée ethnographique national. Le seul problème insoluble de cette collection est le fait que les instruments qui ne sont pas joués se détériorent et perdent leur valeur.

L’instrument à cordes d’origine a été découvert dans un puits inutilisé, transformé en décharge. Cela montre bien que le cycle de vie des instruments de musique est semblable à celui des outils. Lorsqu’ils ne sont plus utiles ou qu'ils sont évincés par des instruments ou outils plus récents, ils finissent à la poubelle. Un autre aspect a trait à la situation déjà évoquée des instruments qui dépérissent dans les collections. On trouve de plus en plus fréquemment des informations intéressantes sur notre vie en fouillant dans les ordures. Bientôt, l'internet des objets et la possibilité de recueillir tous types de données vont paramétrer nos besoins, nos comportements et nos relations sociales, et les informations tirées des fouilles dans les déchets revêtiront un intérêt extrême.